Le Svalbard

Quand on atterrit à Longyearbyen, c’est l’été. Minuit trente-cinq : il fait grand jour. Il faut dire que cet archipel norvégien se situe très haut, bien au-dessus du cercle arctique. On atteindra une lattitude proche de 82 ° nord. Les nuages forment un plafond assez bas, mais une bande lumineuse exceptionnelle dégage l’horizon. On embarque en zodiac sur le Grigoriy Mikheev, un bateau de Saint-Pétersbourg affrété par une agence de tourisme. Équipage russe. Nous sommes 44 touristes à bord. Des zodiacs disposés sur le pont avant seront mis à la mer chaque jour du périple pour visiter les îles. Je retrouverai ce même bateau quelques années plus tard, pour le Groenland.

Le but du voyage est de faire le tour de l’archipel. Mais on ne commande pas les éléments. Au milieu du voyage, des glaces accumulées dans un détroit nous emprisonneront. Impossible pour le Gregoriy d’avancer ni de reculer. Il faudra attendre que les glaces se dégagent avec la marée. Plus question de faire le tour de l’archipel. Nous changerons d’itinéraire.

On se couche avec le jour, vers 3 heures du matin. Le Gregoriy appareille. On entend les premiers grollers taper contre la coque. Au matin, vite sur le pont. Mer semée de petits icebergs. Beaucoup d’oiseaux piailleurs. Goélands, pétrels, quelques  macareux moines, des guillemots. Nous remontons le long de l’île du Prince Charles Foreland, en direction du glacier du 14 juillet. Il existe environ 3000 ours polaires au Svalbard. Avant de débarquer sur la toundra, nos guides observent à la jumelle.  On ne débarquerait pas en cas de présence d’ours. Trop dangereux. Nos guides ont des fusils à balles.

La toundra du Svalbard est pauvre. Rien à voir avec celles de la Basse-Côte Nord du Saint-Laurent, ou celle du Groenland qui peut être très riche. Un premier débarquement en zodiac nous pose sur une toundra parsemée de saxifrages. Rencontre de deux rennes, de bernaches nonettes. Pas d’ours. Mais une carcasse de renne. Ici, ils vivent en très petits groupes. La toundra est trop pauvre pour permettre la vie en hardes. Sur la vidéo, l'oiseau est un grand labbe. Envergure impressionnante, et il lui prend parfois l'envie de nous survoler en rase-mottes pour protéger son nid.

Beaucoup d’oiseaux nichent au sol. Quand par mégarde on se rapproche du nid, on se fait facilement attaquer. Les sternes sont des spécialistes du piqué sur les têtes des intrus. Les labbes, comme je l'ai dit, se contentent de vols d'intimidation. Nous nous dirigeons vers le détroit de Hinlofenstrettet pour visiter en zodiac une colonie de guillemots de Brünnich, nichant dans des falaises. De telles colonies (macareux, guillemots à miroir, de Troïl, de Brünnich), mergules) atteignent plusieurs milliers d’individus. Nous parvenons dans un endroit magique par ses couleurs, la transparence de ses eaux, et par ce bruissement ininterrompu émis par ces milliers de volatiles. Les falaises sont difficilement accessibles aux ours. En revanche, les goélands sont dangereux pour les petits. 

Les guillemots sont autant à l’aise dans les airs, où ils volent par milliers, que dans l’eau où leur corps fuselé et les pattes palmées font merveille. Sur les îlots de glace, ils ont la démarche chancelante des manchots.

Une des plus belles ambiances du voyage que ce paradis pour guillemots, visité en zodiac. Ils vivent par milliers sur une falaise de belles dimensions. Au pied, les fientes fournissent un bon engrais qui enrichit la végétation. Outre les guillemots, on aperçoit deux eiders filmés à leur envol. Ce sont des canards de 

 

Les glaciers et les icebergs du Svalbard ne sont pas grandioses. Rien à voir avec les géants grands comme un ou deux terrains de football qui errent sur les eaux du Groenland, et encore moins avec les supergéants, de plusieurs dizaines de kms, de l’Antarctique. Mais se promener le long d’un front glaciaire en zodiac ou chercher son chemin sur une eau remplie de glace de mer est une expérience à ne pas manquer.

Passant dans un même détroit à deux reprises, nous découvrons qu’à deux jours d’intervalle, l’eau parfaitement libre la première fois peut nous surprendre par ses glaces épaisse la seconde. Le bateau se retrouve bloqué. Le Gregoriy Mikheev est, fort heureusement, un petit brise-glace, à double coque si je me souviens bien, et équipé de deux moteurs. Nous passons la nuit prisonniers des glaces du détroit. Elles proviennent, nous explique-t-on, des fjords adjacents. Ce sont des glaces de débâcle. Le capitaine a décidé d’attendre toute la nuit. Au matin, la mer s’est libérée grâce aux mouvements de la marée. 

Tous les bateaux ne sont pas aptes à affronter ces conditions, et à se laisser emprisonner par des glaces de 50 à 100 cm d’épaisseur. L’expérience des bruits, craquements parfois sinistres, de cette eau gelée ne laisse personne indifférent. On ne demande qu’à être rassuré sur la solidité de notre bateau. Un autre jour, nous croiserons un navire de touristes coincé dans les glaces, le Polar Star, à quelques dizaines de mètres du chenal qui lui permettrait de reprendre sa route. Notre capitaine décide de le remorquer à l’aide d’un câble. Le Polar Star s’en tire à la première tentative.

Vidéo ci-dessous. Aperçu d’une balade en zodiac. Colonie de mergules nains effrayée par l’arrivée d’un goéland. Les oiseaux nains s’envolent en piaillant et décrivent de grands tours. La sterne arctique fait son nid au sol. Quand on s’approche  du nid sans y prendre garde, elle attaque en piquet. Enfin, le labbe parasite, déjà présenté plus haut, est un oiseau majestueux, qui peut peser un demi-kilo. Il ne s’effraie pas de notre présence. Je n’ai pas réussi à supprimer le souffle du vent de ma vidéo et m’en excuse.

En montant vers le Nord, nous allons à la rencontre de la vraie banquise, le pack. Là, bien sûr, nous ne pourrons pas continuer notre route. La glace est de loin la plus forte. Mais nous aurons eu le temps d’apercevoir quelques phoques se prélassant et nous observant en toute tranquillité, par un soleil qui fait des lieux une pure beauté. Retrouvant les eaux libres, nous sommes restés un soir plus d'une heure à observer des morses sur l'île de Lagoya. Ciel parfaitement bleu, à 23 heures ! Un souvenir fantastique, partagé dans la vidéo ci-dessous.

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