La Basse-côte Nord 

Août 2006.

 La Basse-côte Nord du Saint-Laurent commence à peu près à Sept-îles et se termine à Blanc-Sablon. Nous sommes loin, très loin des sentiers battus. À qui vient de Québec en voiture, il faut une bonne dizaine d’heures pour atteindre Sept-îles, et quelques-unes encore pour arriver à Natashquan. Et le voyage s’arrêtera là, par manque de route.

Une compagnie maritime dessert la région, cabotant de bourg en village pour arriver à Blanc-Sablon, à la frontière du Québec et de la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous avons fait le voyage à quatre amis, en 2006. Le port d’attache du bateau, le Nordik Express, était Rimouski, sur la côte sud du Saint-Laurent. Il disposait de cabines assez frustes pour des visiteurs disposés à consacrer une semaine à un aller-retour Rimouski – Blanc Sablon (du mardi 29 août au lundi soir 4 septembre). Un périple de quelque deux mille bons kilomètres. Aujourd’hui, le Nordik Express, vétuste et peu confortable, a été remplacé par le Bella Desgagnes Relais Nordik. On peut donc encore accomplir ce voyage de nos jours. Et je le recommande vivement.

Sept heures de bus pour faire le voyage Montréal-Rimouski. Le soir, ambiance sympa "À la maisons du spaghetti" pour nous remettre de la journée. Nous partons de Rimouski le mardi midi 29 août et longeons la côte sud de l’estuaire jusqu’à Matane, porte de la Gaspésie (autre beau voyage, plus accessible, car il se fait en voiture. Je l’ai réalisé quelques années auparavant. Sur la carte, c'est la terre en blanc). Sur cette carte, on ne voit pas Rimouski, sur la côte sud du fleuve, d'où l'on part. On ne voit pas non plus Matane, située aussi sur la côte sud. 

À partir de Matane, on prend la direction de la côte Nord pour une première escale, à Sept-îles. Nous y arrivons en pleine nuit. Les escales ne sont jamais longues : quelques heures seulement, le temps de décharger et charger le fret et d’embarquer ou débarquer les passagers.

L’étape suivante est Port-Meunier, sur l’île Anticosti (en bleu sur la carte photos ci dessus et dessous.). Anticosti, c’est-à-dire « face à la côte ». L’île fut visitée par Jacques Cartier, en 1534, lors de son voyage découverte. Il l’appela Assomption. C’est aujourd’hui un endroit très boisé et peu habité. À Port-Meunier (du nom du français Henri Meunier, le chocolatier, qui l’acheta en 1895) des bateaux viennent charger les résineux exploités sur l’île. L’autre grosse activité est la chasse. On compte des « pourvoiries » où l’on peut chasser le chevreuil. Pas d’ours.

Nous faisons du stop pour nous rendre au village et en revenir. Une femme nous prend dans son pick-up, un homme nous ramène. Il travaille à l’entretien des routes, soit un total de 144 kms pour l’île entière ! Pas grand chose à voir, sinon quelques maisons dont nous faisons le tour sous une pluie généreuse. Une chose à entendre, en revanche : le fort accent des habitants. Quant au port, découvert au petit matin dans la brume, il réserve aux photographes de superbes tons gris d’où émergent les signaux verts et rouges des balises.

Nous sommes dans une région fort touristique, propice aux sports nautiques dans les îles Mingan, où nous arrivons en fin d’après midi (Havre Saint-Pierre). La région des Mingan est superbe, et comme on peut y parvenir en voiture, elle ne manque pas d’activité.

Natashquan. C’est l’endroit, comme je l’ai dit, où s’arrête la route. Nous nous rendons à pied jusqu’au village. Il nous faut une demi-heure. Une habitante nous propose de nous porter jusqu’à la maison de Gilles Vigneault, le chanteur, maison où « il reste », comme on dit en québécois, quand il vient en vacances. C’est en dehors du village, où nous revenons ensuite pour visiter. Nous passons trois fois devant l’église, et notre conductrice se signe trois fois. Les maisons de Natashquan sont belles et confortables. La présence de la route qui relie à Sept-îles permet de faire venir des matériaux de construction de qualité, ce qui n’est pas le cas  à partir de Kegaska. Ci-dessous, environs de Natashquan. La forêt a encore belle allure. Nous la verrons disparaître au profit de la taïga et de la toundra.

Kegaska est un joli port de petite dimension. Flottille de bateaux de pêche, usine pour conditionner le poisson. Peu de monde dans la région. Nous découvrons les environs, surtout la végétation, pendant une escale assez courte. À mesure qu’avance le voyage, nous prendront conscience du caractère isolé de ces régions. L’été, les gens du pays prennent le bateau pour aller saluer les « voisins » situé à quelques centaines de kilomètres. C’est la seule solution. Le Nordik s’anime alors grâce aux embarquements et aux débarquements à chaque escale, parfois de nuit. Le Nordik arrête ses tournées à l’automne et ne les reprend qu’en fin de printemps. L’hiver et une bonne partie du printemps, le fleuve en effet, est encombré de glaces. Les communautés réparties le long de la côte apprennent à se débrouiller et préparent méthodiquement la période hivernale.

La Romaine abrite une communauté comprenant essentiellement des Innu. C’est le nom des Indiens que l’on appelle aussi Montagnais ou Naskapi. On compte un peu plus de 1000 habitants dont une centaine de non Amérindiens. Nous sommes accueillis au milieu d’un trafic de quads, de pick-ups, motos et pétrolettes qui font la navette du village jusqu’au port pour récupérer soit des passagers, soit du matériel arrivé par le Nordik. La visite du bourg nous révèle de belles maisons, peintes en blanc, bleu ou vert. Les panneaux indicateurs sont écrits en deux langues : français et innu. Nous rencontrons un prof qui habite à demeure à la Romaine. Quand il n’enseigne pas, il chasse et il pêche avec un amérindien, son meilleur ami. La veille, il a mis en réserve une vingtaine de grosse truites dans son congélateur, en prévision de l’hiver. Il y mettra encore des truites, du saumon, des canards, des oies, du chevreuil, du cerf…Il a un bras dans le plâtre. Excellente occasion pour lui demander quelques renseignements sur la santé. En cas d’urgence ou de maladie importante, on va en avion à Sept-îles.

Il existe deux compagnies aériennes, dont l’une surtout est spécialisée dans le sanitaire. Il prendra l’avion dans quinze jours pour Sept-îles afin de passer une radio du bras. Toute l’opération est gratuite. Il nous apprend aussi que la nourriture est très chères, dans ce bourg où on importe tout. Le climat ne permet pas la pousse de légumes. L’hiver, on vit surtout des produits de la pêche et de la chasse que les Innou pratiquent sans avoir à demander de permis. Au cours de notre visite, nous passons devant une maison où se réunit le conseil de la communauté de la Romaine, fait de responsables amérindiens. À noter qu’à La Romaine, la consommation d’alcool est interdite. 

 Vidéo. La Romaine, Harrington Harbour, Tête-à-la-baleine.

Tête-à-la-baleine. Peut-être le plus beau site de tout le parcours. Il est fait d’un village côtier et d’îles où pousse les lichens et les mousses multicolores et des herbes, sur un sol rocheux ocre foncé. À l’origine, le village était situé sur une île, la Providence, ce qui permettait aux habitants qui pratiquaient la pêche d’être  proches de leur lieu de travail. Puis, le village s’est déplacé sur la côte pour être mieux protégé des intempéries. Aujourd’hui, on se rend facilement sur l’île  en petit bateau hors-bord , très utilisé par les gens du pays. Les maisons sont entretenues avec soin pour recevoir les estivants qui reviennent chaque année. L’église, assez « vintage » avec ses photos anciennes et celle de l’ancien curé, un Oblat de Marie, est touchante. Nous avons commencé avec les belles forêts de l’île Anticosti. Nous allons bientôt voir la forêt s’éclaircir, les arbres se rabougrir pour devenir une taïga,  la taïga elle-même laissant ensuite la place à une toundra magnifique, aux lichens, aux mousses et arbrisseaux nains d’une grande richesse et multicolore, contrastant avec des roches nues de couleur ocre (ci-dessous, l'île de la Providence).

La Tabatière est un site moins imposant que Tête-à-la baleine. Le mot ne vient pas de tabac, mais de l’amérindien « tabasquen » qui signifie sorcellerie. On trouverait ce nom dans des récits de missionnaires parlant des pratiques des Innou. Le lieu servait d’échange de marchandises entre Amérindiens et Blancs. Une promenade d’une heure et demie dans les environs nous fait découvrir quelques baies appréciées des locaux : les bleuets ou myrtilles, et la chicoutai, une sorte de mûre ou framboise qui, à maturité, prend une couleur dorée.  Ces fruits ne sont pas négligeables dans une alimentation faite surtout de produits congelés. La Tabatière transforme le poisson, particulièrement le cabillaud. Une usine emploie cent personnes.

Saint-Augustin. Pour y parvenir, il faut emprunter une sorte de fjord assez long, aux bords non escarpés, appelé les « Rigolets ». On découvre ici la taïga, avec beaucoup d’arbustes en mauvais état. La taïga commence à laisser la place à la toundra, une toundra, je l’ai dit,  très épaisse, et d’une grande polychromie.

Blanc-Sablon est le terminus du voyage aller. C’est la ville (1000 habitants environ) la plus à l’est de la province de Québec. Elle jouxte la Province de Terre-Neuve-et-Labrador. L’île de Terre-Neuve se trouve en face, à quelques miles nautiques. Deux Québécois, le mari et la femme, ont chargé leur voiture sur le Nordik Express à Rimouski et débarquent ici. Ils viennent de Montréal, vont prendre le traversier pour se rendre sur l’île de Terre-Neuve, qu’ils vont traverser du nord au sud (plus de mille kilomètres). Ensuite ils prendront un traversier pour la Nouvelle Écosse, traverseront le Nouveau Brunswick et se retrouveront en Gaspésie, sur la rive sud du Fleuve, d’où ils pourront rejoindre Québec et Montréal. Un périple de quelques bons milliers de kilomètres.

Vidéo. Blanc-Sablon dans la noirceur.

Le parler du chauffeur surprend même les Québécois. Il prononce à peine les consonnes, ce qui fait un discours diffus qui se rapproche peut-être un peu de ce qu’on appelle le Joual  bien qu’à strictement parler, le joual soit un parler populaire de Montréal. Ici, m’expliquent les amis québécois embarqués avec nous dans le bus, il s’agit sans doute d’une personne habituée à parler et l’anglais et le québécois français. Mes limites linguistiques m’interdisent d’en dire plus. Mais je vous renvoie à la vidéo pour vous faire une idée de l’ambiance surréaliste de touristes visitant une ville du bout du monde en pleine nuit. Fin cocasse d'un voyage très intéressant.

Le trajet retour se fera en trois jours (on ne passe pas par Sept-îles). Nous arrivons à Rimouski le lundi soir à 20 heures, le 4 août 2006.

Fin du voyage !

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