L’hiver au Québec

La neige arrive un peu plus tard qu’autrefois, me disent les amis. Réchauffement climatique ? Il arrive qu’elle se manifeste, en novembre, demeure quelques jours et reparte, avant de revenir s’installer pour de bon. En cette fin d’année 1999, fin octobre, nous la surprenons sur les arbres roux de l’Estrie, puis elle part, tardera quelque peu à revenir. Novembre est brumeux et triste. On se prend à désirer la neige. En décembre, elle est là, nous trouvons nos vêtements européens un peu légers, et l'on nous dit qu’on n’a rien vu encore en matière de grand froid. A Noël, nous quittons notre appartement de la rue Wilfrid-Laurier, face aux plaines d’Abraham, pour nous rendre à la cathédrale catholique. Elle nous paraît soudain très loin, le froid nous poigne. Nous entrons dans la première église illuminée, une église anglicane, où l’on nous accueille chaleureusement. Jamais adverbe n’est tombé plus juste. Nous ne sommes pas trop désorientés : les costumes, les enfants de chœur, la chorale, le rite nous rappellent notre enfance normande. Le lendemain, l'amie Micheline nous conduit dans un grand magasin pour acheter de vrais vêtements qui conviendront aux grands froids.

Premières neiges

toits de Québec

 toits-2.gif

vendanges tardives, sur la "route des vins", non loin du cap Tourmente

7320.vendanges-tardivesjpg.gif

Grands froids

Vers fin décembre, la neige est bien installée, mais nous n’avons encore pas ressenti les grands froids. Nous n’avons pas pressenti non plus la tempête du siècle qui s’est abattue sur la France (nous sommes fin 1999). J’en prends connaissance un peu tard, par la TV. J’appelle mon voisin chargé de surveiller ma maison. La cheminée s’est écroulée en partie et a provoqué de gros trous dans le toit. Tout le monde est débordé. Mon toit est resté ainsi deux jours avant qu’un couvreur ne le bâche. A cinq mille kms de là, je fais ce que je peux, déclare le sinistre à mon assureur, en promettant plus de détails à mon retour, en… avril. Faute de trouver des tuiles, et surchargé de travail, le couvreur réparera en juillet, six mois après le sinistre.

Début janvier, à Québec, les grands froids sont arrivés. Trottoirs encombrés de glace. Toute la nuit, sonneries des engins de déneigement, nouvelles sensations. Du balcon, nous admirons les plaines d’Abraham où les gens ont sorti les skis. Les fleurs grises ont envahi les eaux du Saint-Laurent, puis se sont transformées en glace épaisse, hachée par les forts courants de l’endroit. Les traversiers peinent à se rendre sur la rive opposée. L’un d’eux s’est retrouvé à moitié perché sur une plaque et a dérivé jusqu’à la pointe de l’île d’Orléans. La statue de de Gaulle, non loin de notre immeuble, est impassible sous les vents violents qui soufflent des plaines. Nous tentons une promenade sur les plaines quasiment désertées et nous comprenons vite notre douleur. Le vent est terrible. Retraite accélérée vers l’appartement. On songe bien sûr à Gilles Vigneault : « mon pays, ce n’est pas un pays ».

Ci-contre sur le traversier pour Lévis. Hélène et les raquettes algonquines. Dans le bois, on sent moins le froid. Mais en sortant, on retrouve  - 40. Ci-dessous, et ci-contre, journée de traîneau, dans la région de Sainte-Anne.

Le carnaval d'hiver

Le carnaval de Québec se déroule de la fin janvier à la mi-février. Sculptures de glace, course de traîneaux à chiens dans la ville, sans oublier la traversée du Saint-Laurent en canoé, en plein milieu des glaces. Tomber à l'eau par ces températures n'est pas une petite péripétie.

 Ci-dessous : le fleuve sous la bise glaciale. Sur les plaines d'Abraham, le carnaval propose diverses manifestations. Ici, attrapeur de rêves et tente indienne. Ci contre : on boit la sagamité, un bouillon de maïs avec diverses viandes. Igloo et tipi.

Coeur de louve

Dès qu’on veut sortir de Québec, la prudence est de mise. Congères accumulées par le vent, routes glacées. Nous avons remis par deux fois un tour en Charlevoix. La troisième est la bonne. Nous passons près de villages dont les rues sont étranglées par des murs de neige de plusieurs mètres. On me raconte l’histoire de cette ménagère qui attendait que la neige arrive aux fenêtres du premier étage pour faire ses vitres à l’extérieur ! La rive du Saint-Laurent est particulièrement désolée. Sortir de la voiture pour prendre quelque photos n’est pas une mince affaire. Il n’est pas conseillé de laisser son vêtement ouvert ou de quitter ses gants.

Je songe aux premiers colons, venus s’installer près du fleuve, dans des coins perdus. J’ai lu sur eux des récits témoignant de la dureté et de la pauvreté de leur vie. Finalement, c’était encore l’hiver qu’on rompait plus facilement l’isolement, car le fleuve gelé ménageait des accès plus aisés qu’en forêt. Vers midi, nous nous trouvons du côté de Baie-Saint-Paul et tombons sur un restaurant-bar dont le nom me fait sourire. Je viens en effet de publier un roman sur le Québec intitulé Cœur de Louve et le bar s’appelle… Cœur de loup ! Surprise en entrant : les serveurs sont vêtus à l’Ecossaise, en kilt. Nous leur en demandons la raison. On nous répond que c’est une initiative destinée à attirer le client. Nous voici donc en train de consommer des produits québécois, servis par des Écossais ! Et moi, je pense à mon héroïne, la fille d’un imprimeur parisien mort sur les barricades de la Commune de Paris et qui vient faire sa vie dans des villages aussi désolés que ceux que nous avons traversés dans la matinée. Romans jeunesse et nouvelles titre 6.

This site uses cookies. Some of the cookies we use are essential for parts of the site to operate and have already been set. You may delete and block all cookies from this site, but parts of the site will not work.