Québec 2

La Basse-Côte nord du Saint-Laurent

Avant de nous intéresser à la Basse-Côte nord du Saint-Laurent, voici une présentation que j’ai faite de l’ensemble du fleuve et publiée dans la revue Vermeil, il y a bien des années.

 

Rimouski – Blanc-Sablon et retour

La pancarte ci-dessous informe sur la difficulté de l’entreprise consistant à relier des communautés isolées autour de l’estuaire du Saint-Laurent. Sur la Côte-Nord, la route  qui part de Québec passe par la ville de Sept-îles, 25.000 habitants. continue jusqu’à Natashquan et vient se terminer à Kegaska, un village de pêcheurs qui compte à peine 150 habitants. Quand j’ai fait  le périple Rimouski – Blanc-Sablon, en 2011, la route s’arrêtait à Natashquan. Elle a gagné 60 kms en ralliant Kegaska. Les communautés villageoises situées plus à l’est de ce hameau sont privées de transport routier. Pour passer d’un village à l’autre, il faut soit passer par le bois, la taïga et la toundra, soit attendre l’été et embarquer sur le bateau qui ravitaille les villages un à un.

En 2011, le bateau était le Nordik Express. Il se chargeait de voitures, de quads, de pneus, de matelas, d’outils divers et variés ainsi que de nourriture. Quelques cabines étaient disponibles pour les touristes. Nous étions quatre amis à faire le voyage. Nous avons passé sept nuits dans une cabine assez inconfortable à cause du bruit des machines et du manque de hublot. Il y avait aussi une grande salle vitrée, sur le pont, où les gens, qui ne faisaient qu’aller d’un village à l’autre, pouvaient se reposer sur des fauteuils. De nos jours, le Nordik Express a été remplacé par le Bella Desgagnés, qui assure le même itinéraire.

De Rimouski, ville de 50.000 habitants, située sur la côte sud, à l’entrée de la Gaspésie, on part en direction de la côte nord pour ravitailler  tout d’abord Sept-îles.  On y arrive en pleine nuit. On ravitaillera ensuite, à l’aller ou au retour, Port-Menier sur l’île Anticosti, Havre-Saint-Pierre en Minganie, Natashquan, Kegaska, Harrington Harbour, Tête-à-la-Baleine, La Romaine, La Tabatière, Saint-Augustin. Blanc-Sablon, un peu plus de mille habitants, est le village ultime, situé à la frontière du Québec et de Terre-Neuve-Labrador. L’aller-retour Rimouski – Blanc-Sablon fait environ 2400 kms.

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Ce lent cabotage, avec des escales de trois ou quatre heures (le temps de débarquer et d’embarquer passagers et matériel) est propice à la méditation. On y voit la végétation changer. D’abord la forêt et l’industrie du bois à Anticosti, puis la taïga et ses sapins rabougris, et la toundra aux lichens et mousses riches en couleurs tapissant un sol rocheux. Ci-dessous, le Nordik Express embarque sa cargaison sur le port de Rimouski.

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Passage de la forêt à la taïga puis à la toundra. À Port-Menier, sur l'île Anticosti, transformation du bois. Les billes de bois sont appelées des pitounes. La dernière photo prise sur le quai au matin donne l'ambiance de notre escale !

 

 

 À chaque escale, nous assistons au débarquement et à l’embarquement d’autochtones profitant du Nordik pour se rendre dans les villages voisins. La communauté la plus importante est celle de La Romaine, plus de mille habitants, où les gens, des Inu Montagnais, viennent en nombre retirer les commandes, qui vont des pièces de rechange jusqu’aux marchandises destinées à la vie quotidienne. (Voir vidéo en fin de page).

Kegaska est un port de pêche où les empilements de filets et de nasses sont plus nombreux que les habitants. Nous avons juste croisé quelques touristes anglophones avec qui j’ai risqué mon anglais à forte tonalité française ! Ils avaient chargé leur voiture sur le Nordik Express, passeraient de Blanc-Sablon à Terre-Neuve par le détroit de Belle île, traverseraient cette grande île (environ 1300 kms) et rentreraient à Montréal en passant par le Nouveau-Brunswick et la Gaspésie. Un voyage de plusieurs semaines et de  plusieurs milliers de kilomètres. Genre de déplacement dont les habitants d’Amérique de Nord sont assez coutumiers.

La Tabatière est un petit village de pêcheurs, situé dans la commune de Gros-Mécatina. Nous n’y croisons personne. Natashquan est plus grande et les maisons, telle celle du chanteur Gilles Vigneault qui y est né, y sont assez dispersées. Tête-à-la-baleine est un site plus atractif. Des habitants s’installèrent sur un archipel dont l’île principale est appelée la Providence et y construisirent une chapelle. Puis, ils délaissèrent les îles pour se rapprocher du bois l’hiver et vivre de façon moins rude. Nous sommes allée en zodiac sur la Providence pour visiter  la chapelle très bellement décorée et voir quelques maisons  bien entretenues consacrées de nos jours à la villégiature.

Harrington Harbour, où l’on s’arrête au retour, est construit sur une petite presqu’île.  Le village de quelque 250 résidents est devenu célèbre depuis qu’on y tourna le film La grande séduction, en 2003. Il est considéré comme un des plus beaux du Québec. On s’y balade sur des trottoirs et des passerelles en bois du plus bel effet. Le port naturel est sublime sous la lumière du soir.

 

Cette première vidéo montre l’activité importante que provoque l’arrivée du Nordik dans la Romaine. les gens se précipitent par tous les moyens. La Romaine est un grand village aux maisons bien alignées sur les côtés d’une route spacieuse. Son ravitaillement est tout entier dépendant du bateau et de l’avion nécessaire pour le transport des malades et toutes les autres urgences. Le village est en effet à environ 400 kms de la ville de Sept-îles qui possède un hôpital. La population compte surtout des autochtones de la nation des Inu, appelés Montagnais. Un conseil autochtone administre la communauté. Beaucoup vivent de la pêche et de la chasse et ont encore un mode de vie nomade, avec des déplacements vers l'intérieur des terres à la belle saison. Nous rencontrons un instituteur qui pratique la chasse et la pêche en compagnie d’un Montagnais. Les frigos se remplissent d’oies, de canards, de bernaches et de viande de divers mammifères en vue de l'hiver où le village vit en autarcie 

La vidéo montre ensuite des passagers québécois du Nordik chantant à pleine voix le répertoire : « Je vois briller l’étoi-aale qui guide les matelots… » Enfin, quelques images de Harrington Harbour, et une séquence prise à la tombée du jour depuis le pont. Je filme des baleines qui s’ébattent à un km environ du Nordik. Résultat très peu satisfaisant !!

 

Blanc-Sablon-la-noirceur

Le village le plus extrême desservi par notre bateau est Blanc-Sablon, situé juste à la frontière du Québec et de Terre-Neuve – Labrador. Nous rêvions de grandes plages de sable blanc, comme le nom nous y invitait, mais nous n’avons rien vu ! Arrivés en fin de journée, nous avons été accueillis par la nuit et sa « noirceur » comme on dit au Québec. Du village lui-même, seule était éclairée la boutique à souvenirs qui prolongeait ses heures d’ouverture pour ne pas manquer la clientèle du Nordik Express. Un autobus programmé par le voyagiste nous attendait au pied de la passerelle. Il nous a fait faire un tour aveugle du village, puis nous a conduits à une cascade, paraît-il très jolie, et dont nous n’avons pu rien voir. Dans l’autobus, nous n’avons perçu que les pancartes routières se reflétant dans les phares. Restait donc le commentaire du chauffeur qui faisait aussi le guide. Même les Québécois voyageant avec nous n’en ont pas compris grand-chose. L’accent, paraît-il, était celui d’un bilingue de la région, anglo-français. J’ai filmé pour conserver un document de ce langage pittoresque, où les voyelles prennent une bonne importance. Il nous a parlé de la chicoutai dont on fait des confitures, des bleuets qui sont les myrtilles, des différentes sortes de froid et de moto-neige. Attention : dans ma vidéo, le son n’arrive que lorsque nous sommes dans le bus. La première séquence sur le bateau est insonorisée. Prière donc de patienter.

À la descente du bus, j’ai pu observer les quelques lumières de la côte de Terre-Neuve, toute proche. Notre voyage aller s’arrêtait là. Quelques heures sur place et nous sommes repartis pour amorcer le trajet du retour vers Rimouski. Je termine donc ces deux pages sur le Québec par cette vidéo singulière.